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Connaitre le vocabulaire de l’Art Déco

Écrit le 18 juillet 2023

A lire au début pour ne pas se tromper de vocabulaire

Production Art Deco bien méconnue de la Céramique d’Art de Bordeaux vers 1925 pour Primavera (collection d’art du magasin du Printemps). La CAB sera active entre 1920 et 1960. Artiste Madeleine Sougez. In Ceramiques primavera de Gailletin, David, Grisoni

Pour moi Art Nouveau et Art Déco c’est confus. Pouvez-vous m’aider à y voir plus clair ?

Ce que l’on appelle Art Nouveau correspond aux manifestations artistiques apparues vers 1900 en
France et en réaction à l’art d’alors : l’éclectisme avec ses variantes historicistes, dont le néo-
gothique. Cette nouvelle expression artistique est apparue dans tous les pays d’Europe avec un nom
national. L’Art Déco (avec des majuscules) lui a succédé après 1910, mais surtout entre 1920 et 1940.
Les arts décoratifs (avec des minuscules) englobent tous les arts en dehors des quatre arts majeurs
(peinture, musique, architecture, sculpture). Cette division des arts entre majeurs et mineurs est un
peu théorique.

Utilisait-on le terme Art Nouveau dans toute l’Europe ?

Art Nouveau en France et en Belgique mais Tiffany aux USA et Mac Intosh en Grande-Bretagne, arte
floreale ou style Liberty ou Primavera en Italie, Sezessionstil en Autriche, Jugendstil en Allemagne,
style sapin en Suisse, Nieuwe Kunst aux Pays-Bas, Modernismo en Espagne, Modern en Russie etc.
Ces styles ne se ressemblent pas entre eux, en particulier : l’Art Nouveau français est très différent
de la Sécession autrichienne.

En France, les détracteurs de l’Art Nouveau le qualifieront de style « nouille » à cause de de son
inspiration végétale avec ses formes en arabesques ou en courbes. L’Art Nouveau français est incarné
par l’École de Nancy active de 1899 à 1913 (Gallé, Majorelle, Daum, Prouvé) mais aussi par un
architecte parisien Hector Guimard dont on connait les entrées de métro qui furent d’ailleurs
régulièrement démolies jusque dans les années 1960. En Belgique : ce style Art Nouveau est
largement présent autour des architectes Horta et Van de Welde. En Espagne avec Gaudy.

L’Art Nouveau se caractérise par la courbe et des motifs végétaux très réalistes, bien reconnaissables
qui furent au départ inspiré de l’art japonais, découvert grâce à l’expo Hokusaï dans l’exposition
universelle 1878, l’impressionnisme qui nait à cette époque, va aussi s’en inspirer.

Mais c’est la Sécession autrichienne qui aura le plus grand avenir. Les réalisations remarquables de
plusieurs architectes (Joseph Hoffmann, Adolphe Loos, Otto Wagner) seront diffusées et prises
comme modèles par tous les architectes européens, français compris. Notre architecte bordelais
Raoul Jourde sera en stage à Vienne chez Hoffmann en 1911. Le Corbusier sera à Berlin cette même
année chez l’allemand Peter Behrens (AEG) en compagnie de Mies Van der Rohe et Walter Gropius.
C’est la Sécession autrichienne qui a influencé directement l’Art Déco français. Le style Sécession est
très différent de notre Art Nouveau. Il privilégie déjà l’angle droit, n’autorise qu’une décoration
réduite alors que notre Art Nouveau couvre à l’inverse toute la surface disponible par une surcharge
décorative végétale. Les autrichiens aiment placer sur le toit de grandes statues humaines que les
français placent plutôt en console des balcons du premier ou deuxième étage ou encadrant la porte
d’entrée. Le style international nait en Europe centrale en Autriche et en Allemagne vers 1910/1920
avec le Bauhaus, mais Le Corbusier va l’importer très vite en France. On ne peut qu’être frappé par la
ressemblance entre

Pour moi Art Nouveau et Art Déco c’est confus. Pouvez-vous m’aider à y voir plus clair ?

Ce que l’on appelle Art Nouveau correspond aux manifestations artistiques apparues vers 1900 en France et en réaction à l’art d’alors : l’éclectisme avec ses variantes historicistes, dont le néo-gothique. Cette nouvelle expression artistique est apparue dans tous les pays d’Europe avec un nom national. L’Art Déco (avec des majuscules) lui a succédé après 1910, mais surtout entre 1920 et 1940. Les arts décoratifs (avec des minuscules) englobent tous les arts en dehors des quatre arts majeurs (peinture, musique, architecture, sculpture). Cette division des arts entre majeurs et mineurs est un peu théorique.

Utilisait-on le terme Art Nouveau dans toute l’Europe ?

Art Nouveau en France et en Belgique mais Tiffany aux USA et Mac Intosh en Grande-Bretagne,  arte floreale ou style Liberty ou Primavera en Italie, Sezessionstil  en Autriche, Jugendstil en Allemagne, style sapin en Suisse, Nieuwe Kunst aux Pays-Bas, Modernismo en Espagne, Modern en Russie etc.  Ces styles ne se ressemblent pas entre eux, en particulier : l’Art Nouveau français est très différent de la Sécession autrichienne.

En France, les détracteurs de l’Art Nouveau le qualifieront de style « nouille » à cause de de son inspiration végétale avec ses formes en arabesques ou en courbes. L’Art Nouveau français est incarné par l’École de Nancy active de 1899 à 1913 (Gallé, Majorelle, Daum, Prouvé) mais aussi par un architecte parisien Hector Guimard dont on connait les entrées de métro qui furent d’ailleurs régulièrement démolies jusque dans les années 1960. En Belgique : ce style Art Nouveau est largement présent autour des architectes Horta et Van de Welde. En Espagne avec Gaudy.

L’Art Nouveau se caractérise par la courbe et des motifs végétaux très réalistes, bien reconnaissables qui furent au départ inspiré de l’art japonais, découvert grâce à l’expo Hokusaï dans l’exposition universelle 1878, l’impressionnisme qui nait à cette époque, va aussi s’en inspirer.

Mais c’est la Sécession autrichienne qui aura le plus grand avenir. Les réalisations remarquables de plusieurs architectes (Joseph Hoffmann, Adolphe Loos, Otto Wagner) seront  diffusées et prises comme modèles par tous les architectes européens, français compris. Notre architecte bordelais Raoul Jourde sera en stage à Vienne chez Hoffmann en 1911. Le Corbusier sera à Berlin cette même année chez l’allemand Peter Behrens (AEG) en compagnie de Mies Van der Rohe et Walter Gropius. C’est la Sécession autrichienne qui a influencé directement l’Art Déco français. Le style Sécession est très différent de notre Art Nouveau. Il privilégie déjà l’angle droit, n’autorise qu’une décoration réduite alors que notre Art Nouveau couvre à l’inverse toute la surface disponible par une surcharge décorative végétale. Les autrichiens aiment placer sur le toit de grandes statues humaines que les français placent plutôt en console des balcons du premier ou deuxième étage ou encadrant la porte d’entrée. Le style international nait en Europe centrale en Autriche et en Allemagne vers 1910/1920 avec le Bauhaus, mais Le Corbusier va l’importer très vite en France. On ne peut qu’être frappé par la ressemblance entre les bâtiments du Bauhaus de Dessau (1924) et notre cité Frugès de 1926.

L’Art Déco arrive quand en France ?

L’Art Déco nait en France vers 1910. On se lasse alors de l’Art Nouveau. Paul Irribe, ébeniste décorateur de renom, crée entre autre une rose stylisée ( c’est-à-dire non réaliste) en 1909 qui sera beaucoup reprise par la suite comme élément décoratif de base de l’Art Déco. 

La rose de Paul Irribe (1909)

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La rose stylisée de Paul Irribe va avoir une descendance considérable. Elle va être reprise dans la décoration typique de l’Art Déco souvent associée à des palmettes comme dans le luminaire à droite.

C’est en 1913, avec l’inauguration du théâtre des Champs Elysées (Auguste Perret architecte, avec Antoine Bourdelle comme sculpteur, Maurice Denis comme peintre et René Lalique pour les lustres) qu’apparaît le tout premier monument de cet  autre style: l’Art Déco (avec des majuscules) qui prend le contre-pied et la suite de l’Art Nouveau.

Il privilégie l’orthogonalité et une décoration végétale ou géométrique, plus limitée en surface, très stylisée et pas du tout réaliste. Cette décoration ajoutée va d’ailleurs progressivement disparaitre  pour aboutir à des façades lisses comme préconisé par le style international. La période historique entre 1920 et 1940 c’est-à-dire durant l’entre-deux guerres va s’appeler aussi période Art Déco, ou hygièniste, voit cohabiter deux styles architecturaux ce qui complique la compréhension:

– l’Art Déco proprement dit, qui est une simple évolution artistique, qui se développe en France, à partir de la maison néoclassique de la fin du XVIIIe siècle, et qui est aussi influencé par  l’Autriche et son style Sécession mais sans l’avouer, ce style plaira à beaucoup de français et aux bordelais en particulier.

– le style international (appelé moderniste au début ce qui prêtait à confusion) qui est la vraie révolution en éliminant la pierre pour le béton et en supprimant toute décoration ajoutée. Progressivement les architectes vont utiliser toutes les immenses possibilités plastiques du béton armé. En moulant le béton dans des coffrages on peut lui donner des formes impossibles à obtenir avec la pierre. Des piliers porteurs remplacent les murs de soutien : « la peau et les os ». Les architectes du mouvement moderniste auront une volonté sociale bien plus affirmée en réalisant des ensembles destinés aux ouvriers (par ex les cités jardins, ou notre cité Frugès). Ils ouvrent la possibilité d’accéder au confort moderne à tous. Leur urbanisme hygiéniste fera aussi reculer la tuberculose. Ces deux styles vont progressivement se rapprocher et le style paquebot des années 1935 est une belle synthèse qui voit disparaitre toute décoration ajoutée en façade au profit de façades blanches de béton animées par des décrochements de volumes correspondant aux pièces et escaliers intérieurs. Enfin, l’arrivée du toit-terrasse fait gagner de l’espace à l’habitation. Ces deux styles et leur évolution sont visibles en se promenant dans le quartier Lescure.

Quelles sont les différences entre le style Art Déco et les arts décoratifs ?

L’Art Déco, avec des majuscules donc, correspond aux manifestations artistiques de la période 1913 à 1940, soit l’entre-deux-guerres. Donc englobant “les années folles” (1918 à 1929) qui -elles- se termineront brutalement avec la longue dépression économique qui suivra le “jeudi noir”, le 24 octobre 1929. L’Art Déco est né en France, c’est l’expo internationale de 1925 qui le fera connaitre au monde où il va se diffuser partout. C’est aussi la dernière fois où la France sera à l’origine et le moteur d’un mouvement artistique mondial.

Les arts décoratifs, avec des minuscules, correspondent à tous les arts dits mineurs mais qui ne le sont pas du tout!

Vous pouvez préciser ?

Il existe 4 arts majeurs  qui sont l’architecture, la sculpture, la musique et la peinture.

Quant aux arts dits “mineurs”: ce sont tous les autres (un peu dévalorisant donc) appelés aussi arts décoratifs, ce sont l’ébénisterie, la  joaillerie, la céramique, le vitrail, la mode, l’horlogerie, les arts de la table, la verrerie, la tapisserie, le théâtre, le cinéma, la photographie, la reliure, la  typographie, la parfumerie, les véhicules, l’ébénisterie etc. Donc cette expression « arts décoratifs » englobe tous les corps de métiers qui ont une expression artistique.

C’est une période, la dernière, ou l’expression artistique de la France a été prépondérante dans le monde. Le Professeur Marc Saboya, habitant du quartier Lescure, a décrit cette période de l’Art Déco “comme une époque où tout était art et élégance, beauté et utilité, la dernière période de l’histoire de l’architecture où un style imposa ses formes, ses principes à toutes les productions humaines, de la petite cuillère à café au stade municipal, de la voiture à l’habitation, de la peinture à l’habit de tous les jours, un équivalent en quelque sorte de l’unité esthétique qui se repère à la Renaissance.”

C’est cette universalité qui caractérise aussi l’Art Déco : ce style né en France, concerne tous les formes d’art sans exception et aura une diffusion mondiale.

Le style Art Déco s’est donc développé ailleurs qu’en France ?

« Quand l’Art Déco séduit le monde” était d’ailleurs le titre de l’exposition de 2013 à la cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris (Palais de Chaillot), où le stade de Lescure, la bourse du travail et la piscine Judaïque y représentaient Bordeaux. Oui l’Art Déco est le premier style ayant une diffusion mondiale : les Chrysler Building et  Lincoln Center à New York, le Bund à Shanghai, le marché de Phnom Penh au Cambodge mais aussi en Argentine et au  Brésil etc.  Et après le succès de l’exposition de 1925, les artistes français ont été appelés dans les grandes villes du monde pour exercer leurs talents.

Et à Bordeaux, les Bordelais ont-ils aimé l’Art Déco ?

L’art Déco a eu un grand succès à Bordeaux, contrairement à l’Art Nouveau. Des milliers de maisons ont été construites dans ce style bien reconnaissable. Le maire de l’époque: Adrien Marquet, qui se voulait être un maire bâtisseur, va adopter pour les bâtiments publics à construire les deux styles qui révolutionnent alors l’architecture: le style Art Déco et le style moderne (ou international). Ainsi naissent de grands bâtiments dont  Bordeaux est toujours fier : le tri postal (Jaussely 1927), la régie du gaz (Jourde 1932), la piscine de Bègles (1932) très Art Déco et la piscine Judaïque (Madeline 1934) qui est relève plus du style international , la bourse du travail (d’Welles 1936), et le stade de Lescure de style international (Jourde 1938), le très original abattoir de Jacques Debat-Ponsan (1938) malheureusement en partie détruit. À cela s’ajoute les réalisations obligatoires de la période hygiéniste (bains douches, dispensaires, écoles). On peut y adjoindre la salle des fêtes de la Pergola à Caudéran et son environnement resté joliment dans son état d’origine.

On peut souligner l’audace de ce maire en matière architecturale qui a pris quelques risques à autoriser la construction de la régie municipale du gaz et de l’électricité (Jourde 1932), bâtiment de pur style international, en béton au milieu de la « ville de pierre », et avec une tour signal de 40 m qui concurrençait- en plein centre-ville historique- le clocher voisin  de la cathédrale gothique. C’est l’actuel hôtel Mama Shelter. Il fallait oser “les deux édifices ont à peu près la même hauteur. Ils n’ont que cela en commun” Maurice Ferrus cité par Mrs Coustet et Saboya in « Bordeaux et la conquête de la modernité ». C’est 50 ans avant, l’équivalent de la polémique autour du Centre Pompidou, ou celle de la pyramide du Louvre. L’éternelle querelle des anciens et des modernes.

Enfin dernière erreur possible : 

confondre la période historique dite Art Déco, c’est-à-dire les années 1918/1940, soit l’entre-deux guerres, période que des historiens appellent aussi période hygiéniste, avec le style Art Déco. 

Le 25 octobre 2022, la préfète d’alors, inscrit au titre des Monuments historiques le stade Chaban Delmas avec le commentaire suivant :

« …Situé en plein centre- ville, le stade historique de la ville de Bordeaux n’a pas d’équivalent en « France. Conçu par les architectes Raoul Jourde et Jacques d’Welles dans le plus pur style Art Déco, « l’ancien parc Lescure est inauguré lors de la coupe du monde de football en 1938… »

Tout à la joie de cette inscription tant attendue par beaucoup depuis 23 ans, on ne va pas demander aux rédacteurs préfectoraux d’être de fins connaisseurs en histoire de l’art. L’expression valise « du plus pur style… » est souvent inexacte comme ici. Le stade Chaban Delmas est certes un stade de la période Art Déco puisque inauguré en 1938 mais du plus pur style international. Voir les articles de Robert Coustet sur le style du Parc de Lescure. C’est là d’ailleurs toute son originalité, car c’est le seul stade existant en France de la période Art Déco et de ce style. L’ancien stade Gerland de Lyon construit par Tony Garnier en 1926 était bien de style Art Déco (le stade d’origine ayant été détruit progressivement par des aménagements successifs). 

Alain de Cal

Jean Claude Pelet